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« Objectif atteint de 850 000 litr es livrés, avec le robot »

Calage alimentaire. Grâce à un travail mené sur les vaches taries, la complémentation individuelle et le stress thermique, les associés du Gaec de la Hutte ont profité d’un juste prix du lait pour augmenter les volumes livrés sans hausse du coût alimentaire.

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À la tête d’un troupeau de 84 holsteins, traites par un robot Lely A5, le Gaec de la Hutte a livré en 2020 à la Laiterie Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH) pas moins de 850 000 litres de lait en filière non OGM. C’est près de 90 000 l de plus qu’en 2019, grâce à une amélioration de la productivité individuelle de 1 000 kg/vache, obtenue sans pénaliser ni le TB ni le TP, avec une correction azotée 100 % colza et un coût alimentaire des vaches laitières de seulement 100 €/1 000 litres. Sous réserve d’en faire la demande, les deux associés profitent ainsi de l’opportunité accordée par leur laiterie de pouvoir augmenter leurs volumes, dans un contexte de prix incitatif : 35 % du lait de l’exploitation est valorisé à 390 €/1 000 l, via la filière C’est qui le patron !?. « Sans ce niveau de prix, nous n’irions pas chercher du lait en plus, souligne Vincent Ménard. Notre objectif consistait à produire plus de lait en optimisant l’existant, c’est-à-dire en augmentant le niveau de saturation de la stalle et sans déraper sur les coûts de production. » Dans les faits, produire 850 000 l, avec une stalle robotisée et 74 vaches traites en moyenne, revient à valoriser 32 litres/VL/jour.

« Supprimer les temps morts avec un tank tampon »

« Le robot peut le faire ! La difficulté est d’y parvenir tous les jours, sans subir les événements », observe Vincent. Précisons que le robot Lely A3 a été remplacé par la version­ A5 en mars 2019 : « Là où le A3 était saturé à 68 vaches, le A5 permet de relever ce seuil, grâce à sa vitesse de branchement plus importante, et sa sortie de la stalle mieux conçue et donc plus rapide, d’où un vrai gain de temps. De plus, nous avons installé un tank tampon de 250 litres de façon à réceptionner le lait pendant le lavage du tank principal, ce qui supprime les temps morts. » Néanmoins, augmenter la productivité d’un troupeau déjà à 10 000 kg de lait, tout en maîtrisant le coût alimentaire, ne s’improvise pas. C’est d’abord le fruit d’un travail mené en amont sur les fourrages, et en particulier sur la qualité de l’ensilage d’herbe, intégré de façon croissante dans la ration. Ici, les éleveurs misent sur la production de dérobée : une association RGI-vesce velue, semée fin septembre et fauchée le plus tôt possible. « L’année dernière, dès le 23 mars ! C’est-à-dire avant l’apparition des épis, quand l’herbe commence à mouiller les genoux. » Pour assurer un séchage plus facile et efficace, à une période où il est difficile d’aller chercher des points de matière sèche, la faucheuse à plat a remplacé la conditionneuse. L’andaineur à tapis de l’ETA (7 m) se révèle aussi moins agressif pour les légumineuses.

À l’automne, la dérobée reçoit un apport de fumier et un engrais phosphaté, afin de favoriser son bon enracinement. Puis, un apport d’azote minéral avant chacune des deux coupes précédant l’implantation d’un maïs ensilage 100 % irrigué. Résultat : un ensilage d’herbe 2020 dans les standards de l’exploitation, dosant 32,5 % de MS, à 24,4 % de cellulose, 0,9 UFL et pas moins de 19,5 % de MAT ! « La fibre très digestible de l’ensilage d’herbe (dMO 75,4 %) assure une fibrosité suffisante, sans apport de paille, précise Germain Néré, le consultant nutrition et robot de Seenovia. Cette qualité d’ensilage permet de maintenir une densité énergétique élevée de la ration à l’auge. »

Un acidifiant puissant dans la ration des taries

Concernant le maïs ensilage, Vincent et Michel sont surtout très vigilants au bon éclatement du grain et n’hésitent jamais à le vérifier en faisant le test rapide à l’aide d’un seau d’eau (voir L’Éleveur laitier n° 270) pendant le chantier de récolte. Ainsi, la ration semi-complète distribuée toute l’année se compose de 4,5 kg de MS d’ensilage d’herbe, 13 kg d’ensilage de maïs, 2 kg de tourteau de colza, 750 g d’orge aplatie et 400 g d’un minéral contenant du bicarbonate, avec du sel mais aussi de l’argile en libre-service en prévention d’un risque de mycotoxines sur le maïs. Les quantités distribuées à l’auge sont réduites d’environ 10 %, pendant la période de mise à l’herbe sur 8 ha de pâtures. Cela jusqu’à mi-juin environ et l’arrêt de la pousse de l’herbe.

Enfin, les 74 vaches ont un accès non limitant à l’eau, grâce à 10 mètres linéaires d’abreuvoirs disponibles dans la stabulation (recommandation de 10 cm d’abreuvoir/vache). C’est sur la base de ces fondamentaux que, début 2020, les éleveurs décident de travailler sur trois nouvelles pistes de progrès identifiées avec leur consultant Seenovia : la préparation au vêlage, une approche plus fine de la complémentation individuelle, et la lutte contre le stress thermique.

Les vaches taries. Une phase de préparation au vêlage d’un mois est programmée dans un box en aire paillée. Les changements mis en œuvre ont consisté à augmenter la densité protéique de la ration et à ajuster sa Baca. En complément de 6 kg de MS de maïs et de paille à volonté (5 à 6 kg), la quantité de colza a presque­ doublé, soit 3 kg de colza/VL/jour pour une concentration de la ration de 10 UFL et 1 200 g de PDI (12 % de MAT). « La part importante de colza s’est traduite par une recrudescence des cas de fièvres de lait. Cela a conduit à apporter du chlorure de calcium en plus du minéral spécial vaches taries, afin de réduire la Baca. »

Le chlorure de calcium est un acidifiant puissant qui doit être utilisé avec précaution. Les mesures de pH urinaire faites par les éleveurs visaient à éviter­ une acidification trop importante. Objectif : un pH de 6 à 6,5 (entre 7,8 et 8,2 pour une vache en lactation), soit un dosage compris entre 150 et 200 g/vache/jour. « Pour faire uriner la vache rapidement, une astuce consiste à la masser entre la vulve et la mamelle pour déclencher l’urination, indique le consultant. Cette approche de la complémentation minérale “à la petite cuillère” demande un peu de temps. La prochaine étape sera d’intégrer un minéral clé en main. »

« Mieux soutenir l’expression du pic de lactation »

La complémentation individuelle. Le travail mené sur les taries a été couplé à une révision du plan de complémentation individuelle distribuée au robot. L’objectif étant de mieux accompagner l’expression du pic de lactation des fortes productrices via une hausse plus rapide des quantités de concentrés (voir infographie). « C’est une approche fine du rationnement qui vise à prévenir les pathologies du début de lactation, tout en permettant aux animaux d’exprimer rapidement tout leur potentiel. »

Le stress thermique. En plus des records de chaleur enregistrés, le renouvellement de l’air se révélait insuffisant dans un bâtiment relativement bas, datant de 1977 et cerné par des bois. Après quelques aménagements consistant à ôter du bardage et à pratiquer des ouvertures dans le toit, Vincent et Michel décident, au printemps 2020, d’investir 14 000 € dans sept ventilateurs neufs, couplés à de la brumisation au niveau du couloir d’alimentation. Résultat : un gain de 3 litres de lait en été, à mettre en balance avec une hausse de la consommation électrique de 638 €. « Le résultat se voit aussi à travers l’amélioration de l’état corporel des animaux, avec un effet positif sur la mise à la reproduction à cette période, qui permet d’avoir des vêlages réguliers toute l’année. C’est essentiel pour maintenir le niveau de saturation du robot, mais aussi un mois moyen de lactation bas (entre 5 et 6 mois) nécessaire à un haut niveau de production. » En fonction de l’indice THI (Temperature Humidity Index) observé via une application gratuite CCPA, les éleveurs ajoutent un complément alimentaire à base de substances aromatiques, à fort pouvoir tampon (Thermosan).

Une marge brute de 264 €/1 000 l

Au terme de l’exercice, le troupeau a ainsi produit 10 946 kg de lait en moyenne, avec une fréquence de traite de 2,5/VL/j. Les pratiques de rationnement autorisent un niveau élevé de marge sur coût alimentaire de 8,52 €/VL/jour, soit une marge brute de l’atelier lait de 264 €/1 000 l avec un prix du lait de 394 €/1 000 l. Cela montre qu’il est possible d’atteindre l’objectif avec du colza et des équipements simples, comme une désileuse-pailleuse classique, ou encore un bâtiment de plus de 40 ans.

La prochaine étape définie par les associés avec leur consultant est d’aller plus loin dans l’approche fine du rationnement, à travers le dosage des acides aminés essentiels et des matières grasses, pour tendre vers l’objectif de 950 0000 litres de lait : c’est-à-dire 36 kg de lait/vache/jour ! « Il y a quelques années, nous avions fait une étude économique en vue de doubler la taille du troupeau et d’installer un deuxième robot. Nous nous sommes rendu compte que la main-d’œuvre risquait d’être un facteur limitant. Nous avons alors décidé d’exploiter au maximum le potentiel de l’existant. Les résultats montrent que l’on peut vivre avec des équipements simples, anciens mais bien entretenus. Car notre volonté est aussi de garder du temps libre pour nos familles. »

Jérôme Pezon

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